Le Benin une puissance agricole à l’horizon 2015 à quels prix ?

Publié le par SYNERGIE Paysanne

          Les politiques agricoles en Afrique sont soumises à de fortes contraintes, si bien qu'elles paraissent improbables, irréalistes. Les processus d'élaboration sont d'une grande complexité et laissent de fait une faible autonomie aux acteurs nationaux des pays concernés pour construire des politiques qui reflètent leurs intérêts propres.

         L'analyse du processus d’élaboration de celle du Benin, donne à voir un grand déficit de mesures structurées avec des moyens inscrits dans une durée définie qui obéissent à des objectifs de développement collectivement décidés. Les raisons en sont multiples malgré des appuis nombreux en termes de coopération, que ce soit par des aides bilatérales ou multilatérales, de la Banque Mondiale, de la FAO et des programmes d'appui à l'élaboration des politiques. Ceci est d'autant plus regrettable que les enjeux auxquels devraient répondre ces politiques sont en partie relégués au second rang.

         Un contexte institutionnel et une multiplicité des acteurs qui ont nuit.

         Le contexte institutionnel de la politique agricole du Benin que nous avons le plaisir d’appeler Plan Stratégique de Relance du Secteur Agricole renseigne sur l'état des forces en présence intervenant de près ou de loin dans le processus d'élaboration et de mise en œuvre du plan.

           Un premier trait caractéristique de ce contexte en est le très grand nombre d'acteurs à tous les niveaux (macro et micro). Les administrations nationales à elles-seules rassemblent un grand nombre de ministères qui de l'agriculture à celui des finances ou du commerce dans le processus. Par ailleurs le ministère de l'agriculture est lui-même éclaté en plusieurs entités ministérielles qui ont spécifiquement en charge l'élevage, la pêche, les ressources naturelles, etc.

            Du fait du mouvement de décentralisation en cours, on observe la présence de services déconcentrés ou décentralisés de l'Etat, ainsi que des collectivités territoriales qui émergent comme acteurs des politiques agricoles mais malheureusement absentes du processus, les organisations de producteurs (OP) très peu représentées. Les organisations non gouvernementales - particulièrement les organisations nationales - font également partie des acteurs qui pèsent de plus en plus dans le débat sur les politiques agricoles. 
 
           Dans cette nébuleuse, il faut percer les intentions de ces ONG qui sont bien souvent utilisées comme opérateurs des projets de développement des bailleurs de fonds. Une partie d'entre elles sont opportunistes et cherchent à se positionner pour devenir ces opérateurs du développement.

          On peut enfin mentionner les opérateurs privés, qui du fait du désengagement de l’Etat, jouent un rôle de plus en plus fort, qu'ils soient strictement nationaux ou les succursales des multinationaux.

          Bien évidemment, il ne faut pas oublier les bailleurs de fonds, les partenaires techniques et financiers du développement, que ce soit via les coopérations bilatérales de la France qui est assez présente, ou multilatérales de l'Union européenne, des institutions financières internationales (Banque mondiale) et de la FAO, etc.

          Cette multitude d'acteurs a pour conséquence un foisonnement de documents de stratégies de développement qui nourrissent une certaine confusion au détriment d'une orientation claire.

          Actuellement, une série de nouveaux documents et de nouvelles approches thématiques transversales tels que la lutte contre la pauvreté, le développement durable, les aspects environnementaux, qui concernent évidemment le développement du secteur rural, sont autant d'approches différentes brandies tout au long du processus mais rarement coordonnées avec le PSRSA jusqu'à être parfois plus ou moins contradictoires.

         Ce foisonnement de documents de stratégies révèle une absence de consensus sur une véritable stratégie de développement.

          De manière générale, deux tendances ont prévalues ; celle qui promeut un développement de l'agriculture sur une base agro-entrepreneuriale pour moderniser les agricultures familiales. Dans ce cas, ne survivront que les plus dynamiques alors que les autres devront s'adapter, migrer, ou disparaître. Cette optique est mise en avant par le gouvernement.

          L'autre tendance portée par les OP plaide pour le développement d'une agriculture familiale équilibrée et le maintien d'un paysannat dans les zones rurales. 

         Cette coexistence d'orientations distinctes entretient l'ambigüité et prouve qu'il n'y a pas eu vraiment d'arbitrage clair de la part du gouvernement en faveur d'un modèle par rapport à un autre.

         L'autre caractéristique est à notre avis la faible opérationnalité de ces documents de stratégie. Ce sont des déclarations d'intention, énumérant des objectifs très larges, sans véritable hiérarchie, ni mesures concrètes.

         Cette étape préalable d'arbitrage dans la définition des stratégies n'étant pas effective, la mise en œuvre en sera d'autant plus floue et laissera la marge de manœuvre aux bailleurs de fonds qui trouveront dans ces documents toute la liberté nécessaire d’imposer des programmes fidèles à leurs intérêts pour l’instant inavoués.

        Il a prévalu tout au long des travaux un véritable besoin de définir à la fois les domaines d'intervention, les structures les plus légitimes et les plus efficaces et les modalités, ainsi que les mesures concrètes c'est-à-dire les domaines dans lesquels une intervention publique est souhaitable dans le secteur agricole.

        C’est ce à quoi ont abouti les travaux de relecture du PSRSA, c'est-à-dire le recentrage du rôle de l’Etat dans le développement du secteur agricole du Benin.

        Le chantier à mener n'en est donc qu'à ses balbutiements et pour y parvenir, il faut un véritable renforcement des acteurs à la base, les Organisations Professionnelles Agricoles. 
                       
                                                                                                                                                                                           A suivre….

Nestor MAHINOU (Secrétaire Exécutif)
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